Saint-Mathieu - Fin Mai 2017
Saint-Mathieu,
Au
loin, mais visibles sur l'horizon, Saint-Luc, l'île du milieu, et
l'île de la Chance,
Anciens
noms de ces îles, dans la mer d'Andaman, et les eaux thaïlandaises,
Qui
maintenant se nomment « Koh Khel Khe Choz »...
Merci
à N.L. Qui m'a fait découvrir ce petit bijou de jazz !
Je
suis dans mon hamac, seul, des vingt-deux bungalows du gîte, un seul
est loué, le mien, la saison touristique est maintenant terminée,
le restaurant est fermé, pas de breakfast, ni de repas, et pas de
bières...
Mais,
j'ai une moto, et peux aller m'approvisionner ailleurs,
La
plage est déserte, on peut y vivre nu la plupart du temps, l'eau très chaude et le bar
est encore ouvert, au bout de la plage, à trois cents mètres, avec
son billard...
Mais
presque tout est fermé, et les lumières éteintes le soir, laissant
la plage dans l'obscurité, les chiens livrés à eux-mêmes sur la
plage, affamés, les propriétaires partis,
Je
vais en découvrir les dangers très vite...
J'en
profite pour remettre au propre mes notes, prises pendant mon séjour
birman, car le débit internet là-bas ne permet pas de travailler
sur le blog, envoyer un mail à la rigueur...
C'est
en traversant l'embouchure de la Kraburi, entre Kawthoung et Ranon,
que je repensais à la vie du voyageur, ses bonheurs, ses
contraintes, et ses effets pervers,
A
l'épitaphe sur une tombe de Sainte-Marie au large de Madagascar :
« Voyageur,
qui que tu sois, tu ne pourras te défendre de quelques larmes »
A
la conscience du voyageur :
« Je
sais que l'absence a des torts, que rien ne pardonne »
« Tous
les jours j'apprends, j'apprends la solitude, j'apprends le temps qui
passe, sur le sujet, je mourrai imbattable »
« Le
voyageur est un absent, qui devient un étranger ... »
« Voyageur !
Ce n'est pas la destination qui importe,
c'est
le trajet, prend ton temps, c'est lui qui va tout t'apprendre,
la
destination t'apportera le reste, ou rien,
prends
ton temps, fais durer le voyage... »
Je
repense aussi à mon aventure birmane, à ces six semaines denses et
riches,
à
ce pays que je connais mieux, à ses habitants qui m'ont
particulièrement marqué, ému, attendri,
à
ces Birmans si gentils, encore un peuple doté d'une résilience hors
du commun,
A
ce jour, le pays que je préfère en Asie du Sud-est,
Qui
s'ouvre au monde, tout en restant sous le joug d'un régime
autoritaire et corrompu,
Miné
par des guerres intestines, raciales, religieuses, sociales,
A
cette femme, qui a su s'élever jusqu'au pouvoir, malgré les
embûches et les dangers,
l'assassinat
de son père,
Pour elle, la prison, les attentats, la résidence
surveillée,
sorte
de « Mandela » asiate...
Que
j'admire et respecte, ce qui ne m'empêche pas de m'interroger...
Madame,
Daw
Aung San Suu Kyi,
Je
souhaitais, en entrant dans votre pays,
que
vous ne soyez pas un faire-valoir pour la junte au pouvoir,
une
marionnette, le gant de velours de la dictature en place et bien
ancrée,
J'ai
visité votre pays, rencontré votre peuple si complexe,
mosaïque
de cent trente-cinq ethnies,
Constaté
que vous étiez omniprésente au quotidien,
dans
la presse et les médias,
J'en
connais un peu plus sur votre parcours,
sur
l'histoire de votre père,
et
la vôtre,
et
vous garde mon respect,
Mais
subsistent des constats,
aussi
visibles et choquants, qu'une tâche de sang sur une chemise blanche,
qu'une
tâche de sang sur une robe de bonze,
Bien
sûr, on ne peut tout résoudre d'un seul coup,
bien
sûr, il n'y a pas de baguette magique,
bien
sûr, les généraux sont inamovibles,
la
corruption générale, instaurée en système,
Mais
quid du P.M.U., Patriots Monks Union !
Et
ce silence assourdissant sur les Rohingyas,
apatrides,
humiliés, niés, battus, rejetés par tous,
à
qui on refuse la nationalité, et qui n'en ont pas d'autre,
chassés,
parfois massacrés,
par
des moines bouddhistes armés !
BOUDDHA !
Tu ne dis rien ?
Et
les Mokens, gens et gitans de la mer,
apatrides
eux aussi,
qui
finalement, ne dérangent pas trop,
car
ils vivent sur la mer,
sur
leurs kabangs en salacca,
à
peine sur la plage,
et
pas sur la terre de la nation,
Les
Rohingyas seraient des aliens !
Les
Mokens une espèce pélagique !
Tout
cela est bien compliqué Madame...
Daw
Aung San Suu Kyi,
Aventure
nocturne... à Saint-Mathieu...
La
vie peut toujours nous surprendre, quand on s'y attend le moins, la
mort aussi...
Ce
n'est pas sur cette plage, « ma plage », sur cette île
paisible, mon itinéraire nocturne, celui qui, en milieu de nuit,
parfois en fin de nuit, me permet de rejoindre mon bungalow, de
retour de quelques « frames » de billard, que j'aurais
imaginé me trouver en danger !
Précaution
morale, il ne s'agit que de « légitime défense » !
Deux
heures du matin, je rentre du billard pour regagner mon lit, trois
cents mètres à faire sur le sable, à marée basse, à la lumière
des étoiles, et ma petite frontale comme appoint,
Je
n'ai pas de bâton, n'en prenant jamais, et je n'ai pas ma queue de
billard, dont le manche fait un bel instrument de défense, l'ayant
laissée dans une consigne à Bangkok avant d'entrer en Birmanie,
Et
là, trois chiens, costauds et agressifs, babines retroussées, se
précipitent sur moi,
Je
me colle le dos au talus de sable, et comprends très vite, en
quelques secondes, que de solution, il n'y a pas,
D'autant
que j'ai vu, quelques jours auparavant, au dispensaire du village, un
type qui s'est fait très méchamment attaquer le soir par des
chiens, en voulant protéger sa femme, il était là, en soins,
depuis une semaine...
Le
seul endroit vivant, le bar, est à plus de cent mètres, et, comme
j'entends sa musique, inutile d'appeler pour du secours...
Un
des chiens va me mordre à la jambe, me déstabiliser, le deuxième m'attraper un bras,
et le troisième...
J'ai
tout compris, je suis seul, et dois m'en sortir seul,
Heureusement,
j'ai mon couteau, celui que j'ai toujours sur moi,
D'une
main je le sors, l'ouvre, me baisse pour me trouver à la hauteur de
leurs gueules, et lève la main gauche,
Celui
qui est juste en face de moi lève la tête, d'un geste circulaire,
je le pique et lui ouvre la gorge, et me retrouve aussitôt aspergé
de sang, poitrine, bras droit, et visage,
Le
chien part immédiatement, titubant et faisant du bruit, un peu comme des
bulles... les deux autres, continuant à aboyer, reculent à
distance,
Je
pars doucement, les deux autres me suivent en hurlant, mais ne s'approchent plus,
restant à quelques mètres, et finissent par abandonner,
Je
regagne le bungalow, en espérant ne croiser personne, une bonne
douche, mes vêtements à tremper,
Et
je me couche,
On
peut toujours mourir bêtement...
L'aventure,
belle, triste, plaisante ou dangereuse, peut surgir partout, à toute
heure,
C'est
ça qui fait le sel de la vie, sa valeur, et son poids,
Je
m'en souviendrai...
Je vais me reposer, écrire un peu,
Nous nous retrouverons bientôt,
En attendant,
Un petit florilège de photos!
Et,
Je
vous fais cadeau de l'album de Mélanie de Basio en entier, profitez
en, ça vaut le coup :
MUSIQUE :
et
encore merci à N.L. !
A bientôt... |
ENJOY
&
B.A.P.