MIRI/Sarawak 10/11 Août 2014


MIRI/Sarawak 10/11 Août 2014




Miri, nord Sarawak, à deux litres de pétrole de Brunei,



Ce sera en bus, l'avion doit être cher et ne permet pas de voir le pays,

Une fois de plus, j'ai mal regardé l'échelle de ma carte, pas indiquée d'ailleurs !

Le panneau de l'agence Bus Asia, sur le trottoir, est rouge écarlate, flambant neuf,

la petite agence et le tailleur de l'hôtesse d’accueil aussi,

l’hôtesse le devient quand je lui dit qu'elle est jolie comme.....un bus !

Elle parle peu anglais et me tend une feuille avec les horaires, je regarde rapidement,

départ 10h, arrivée 2h, ça me va pour demain, je demande quand même si le bus fait un arrêt pour boire un coup et aller aux toilettes, elle me répond que oui bien sûr, il en fait même cinq ou six ?

Je regarde plus attentivement mon papier, c'est départ 10h du matin, arrivée 2h du matin, le lendemain !

Je ne me suis pas rendu compte que le Sarawak, à lui seul, est quasiment aussi étendu, du sud au nord, que toute la péninsule malaise !

Je change mes plans aussitôt, prends un ticket pour un bus qui va partir, départ 15h30, arrivée demain 8h du mat, file à l'hôtel, prends mes affaires et taxi rapide jusqu'au terminal des bus pour trouver mon Bus Asia. L'hôtesse m'a bien dit que c'était un bus rouge,
 je m'en doutais...



OK, rouge le bus, mais pas flambant neuf!!!On pourrait même dire pourri, ça promet ! 17H là dedans, ça sent l'enfer, ce fut....



Bien, je pourrais me dispenser de vous raconter cette galère, mais il n'y a pas de raison pour que je sois le seul à vivre ça, pendant que vous êtes avachis dans votre salon, avec, peut être, un verre à la main.

Je vais tenter de vous rendre compte de ce magnifique périple d'une façon moins pénible que ma réalité,

ça s'appelle « la littérature de l'instant » à la Jack Kerouac



en toute modestie, bien sûr.....



Si vous voulez jouer le jeu, n'oubliez pas que du Kerouac, ça se lit à voix haute, et que la respiration est essentielle, je vous la mets au début (§), après vous vous débrouillez !



« J'avais décidé de partir vers le Nord § Quitter ma ruelle malfamée § les putes malfemmées § ou mâles § partir vers l'inconnu § l'inconnu que je préfère à tout § inépuisable.

Départ 15h30, au sud le temps s’éclaircit, des nuages bleus prennent le dessus sur le ciel gris, je vais vers le nord, plombé. Le bus, fatigué, pituiteux, s’essouffle dans les montées, à cinq kilomètres heure, cinq cents mètres pour doubler un camion, qui roule à quatre, dans sa fumée, ses gaz, ses pets. Le roulement avant droit qui manque de graisse, les amortisseurs qui se plaignent, l'odeur des freins qui chauffent dans les descentes, celle de l'embrayage dans les montées, mon siège qui grince et brinquebale, mal fixé.

On fonce au ralenti vers septentrion, dans le ventre d'un ciel de plomb.

J'aurais pu faire du pouce, mais le taxi m'a dit, en douce, que seul, c'était pas très sûr, les bandits philippins aiment à rapter les occidentaux, rançon en tête, j'ai suivi son conseil.

Deux chauffeurs, qui vont se relayer tout du long, toutes les quatre heures, qui parlent et rigolent à voix haute, plus fort que la musique qui sort déchirée des hauts-parleurs éventrés .

Passage à Serian, huit millimètres sur ma carte, ça va être vraiment long, encore plus sur la fin.

Betong, crépuscule, relève de la garde dans les falaises, les hirondelles rentrent, les chauve-souris sortent. La pluie est là, dense, les essuie-glaces font ce qu'il peuvent, les voitures en face, deux gros halos éblouissants, yeux de hiboux effrayés dans le pare-brise, stroboscope ininterrompu, encore pire paupières fermées.

Arrêt à Sarikei, un bouis-bouis, des toilettes à pratiquer nez bouché, un Kopi »O » vague simulacre de café, une cigarette, le klaxon appelle la troupe.

Fin de soirée, début de nuit, trop tôt pour dormir, trop sombre pour lire,

Always the same,

bore from nine to ten...

Changement de chauffeur, toujours pareil, l'un conduit, l'autre ne dort pas. C'est le déluge, des travaux sur la route, des kilomètres de piste en terre, de boue, mon arche est pourrie, ceux embarqués avec moi, tous de la même espèce, la mienne, rien à attendre, désespérant.

A ma hauteur, de l'autre côté de l'allée, une jeune mère avec son bébé, elle vomit toutes les vingt minutes, lui toutes les cinq .Je suis sur le premier siège a l'avant, au dessus et décalé par rapport au chauffeur, en cas de choc, je suis le premier à sortir du bus, par le pare-brise.

Nouvel arrêt à Selangau, même scénario,les hauts-parleurs de la mosquée me crient que ce n'est pas la peine de chercher une bière, le ciel se vide, s'épanche, fait dans ma culotte, je suis trempé dehors, sec dedans, un aquarium retourné comme une chaussette, poisson du mauvais côté.

Je voudrais boire un truc fort, imposer le sommeil

Would like some rhum,

drink to dry the bottom,

Slight, slight,

to the end of night,





Un vrai Road-Mauvais,

Mon royaume pour un cheval,

ou rien,

finir à pied,

mourir,

mais debout,

ou dans ce bus,

mais ivre,

la tête qui tourne comme un astre,

me foutre de tout,

si ce tacot s'encastre,



Nouvel arrêt à Bintulu, vaste bourg, 3h du mat, petit food center, ah ! de la bière! l'islam n'a pas pris le pas sur le malt, deux canettes ça les vaut bien, les chauffeurs commandent une soupe, brûlante, on va rester un moment, je les rejoins, leur offre une cigarette, sourires, ils me payent une soupe, refusent une bière, pour deux raisons, boulot et religion, ils ont raison, me racontent leur job, à l'arrivée ils vont dormir quelques heures, et puis, reprendre le bus, et descendre à Kutching, je les plains, ne me plains plus, chacun son enfer, le mien n'est rien, juste une fois, eux tous les jours, je suis libre, eux non.

Ils confirment qu'on sera à l'heure, à Miri dans cinq heures, je suis presque content, les heures passent, somnolence, le jour pointe, il pleut toujours, traversée du hameau de Niah, c'est là que je veux venir aujourd'hui, ça me fera 100 km à faire dans l'autre sens, tout à l'heure, en bus.Pas dormi depuis vingt-quatre heures, arrivée au terminal de Miri, huit cent cinquante kilomètres en dix-sept heures. Les chauffeurs m'aident à descendre mes affaires, me serrent chaleureusement la main, et me disent « good luck », c'est bizarre, j'allais leur souhaiter la même chose.

Pas une maison à l'horizon, encore un terminal excentré, je pense aux bandits philippins, ou kalimantais, plus probables, ça sent le taxi, ça sent aussi le café, tout près, bonne journée.



The End
(d'après des notes gribouillées dans le bus, et dans le noir)



Voilà, on enchaîne,



Parc et grottes de NIAH




Parc national et réserve, Niah est réputé pour sa flore, sa faune, et ses grottes, gigantesques.

9h du mat, sacs posés, après deux cafés je saute dans le premier truc qui va vers le sud, on peut dire truck aussi, je suis sûr de mon coup, il n'y a qu'une route. Hameau de Niah , l'entrée du parc est à 15km, un petit jeune accepte de me conduire là-bas et de me récupérer vers 17h, il est content de jouer au taxi, ça roule.



Arrivée à l'entrée, ticket, plan du parc et des balades possibles, plan des grottes et conseils pour ne pas se perdre, on a dénombré plus de trois cents grottes dans ce massif, celle que je vais visiter permet de faire environ trois kilomètres, dont un dans le noir absolu, l'entrée est à trois kilomètres de marche, je rigole, me régale d'avance.



NIAH est la preuve absolue, et pourtant j'en ai vu des grottes récemment, Laos, Thailande, péninsule malaise, que,

Plus il y a de Karst, plus il y a de grottes,

Plus il y a de grottes, moins il y a de Karst

NIAH a aussi la particularité qu'on y a découvert un crâne vieux de quarante mille ans, et des peintures sur les murs des grottes, décrivant la vie des habitants de l'époque, leurs coutumes, et leurs croyances pour ce qui concerne la mort et le voyage vers le pays des morts.

Beaucoup de sépultures aussi, les corps posés dans de petites coques de bois, esquifs destinés à faciliter ce dernier voyage.

De nos jours, subsistent deux activités, le tourisme vert et les treks dans le parc, la récolte des nids d'hirondelles dans les grottes par les acrobates, complètement fous, du pays, nids revendus à prix d'or aux Chinois.

Comme partout, parcours remarquablement bien aménagé, propre et balisé, bancs et petits abris de repos fréquents, bacs à déchets, cendriers, panneaux d'informations sur les arbres, les fleurs et les oiseaux.

L'entrée de la grotte principale fait deux cents mètres de large, la première salle près de deux cents mètres de profondeur, le plafond est entre vingt et soixante mètres au dessus du sol.

Tellement vaste que l'on y voit comme en plein jour, ou presque, les salles suivantes sont plus sombres, puis totalement obscures, parfois traversées par des rayons de lumières tombant du plafond, d'ouvertures ou d'effondrements ourlés du vert de la jungle, ça vaut le déplacement.



Du plafond pendent les échelles permettant de monter « cueillir » les nids d'hirondelles, non pas des échelles à notre entendement, mais de simples barreaux de bois, genre 8X5 cm, lisses, de quelques mètres de long, et chevillés bout à bout !! comment monte-on là haut avec ça ?

Pire ! Qui est monté en premier pour attacher la perche au plafond ??? dont on entrevoit qu'elle est attachée à un autre barreau, horizontal, coincé dans les anfractuosités de la voûte. ??
No comprendo !
 

Allez, PHOTOS !

Entrée du parc

3500 mètres de ponton, on est pas sur le GRNC1



La preuve, par 62, que zérayam


 

Entrée de la première grande salle, on voit les perches à nids qui pendent du plafond


Les "échelles" pour cueillir les nids d'hirondelles

Un stalactite, qu'on dirait de jade, de plusieurs tonnes


Là, on rentre dans les entrailles de la Terre pour un kilomètre dans le noir

Débouché de l'autre côté du massif
 
 
En ressortant, je regarde mon petit plan et je m'aperçois que j'ai loupé une partie de la grotte, il est possible de ressortir de l'autre côté du massif et d'en rejoindre un autre, qui recèle une grotte avec des peintures anciennes et des vestiges de sépultures, Merdaki ! (c'est du malais, ça ressemble beaucoup à l'indonésien et ça veut dire « zut »)
Un coup d’œil à la montre, j'ai le temps de recommencer avant l'arrivée de mon taxi à 17h, mais il faut que je m'allège pour tout revisiter au pas de course car je vais me repayer quelques centaines de marches,du fond de la grotte je serai à 5km du parking, il faudra faire fissa (c'est du malais, ça veut dire « vite »),
Je descend un peu dans la jungle, cache mon sac au pied d'un arbre,avec ma banane, tricote tout ça bien serré ensemble et autour de l'arbre avec ma cordelette de trente mètres, pas tant pour des voleurs, potentiellement improbables car je n'ai vu que trois ou quatre familles sur tout le trajet, mais plutôt les singes!!! Je fourre quand même mon passeport et mon argent dans ma poche, prends juste appareil photo, GoPro,torche et frontale, et en avant !
Vingt-cinq minutes pour refaire ce qui m'avait pris deux heures, sortir sur l'autre versant, cavaler cinq cents mètres sur un chemin très propre, trouver la grotte en question, qui, elle aussi traverse de part en part le massif de karst, effectivement des peintures brun-rouge sur les parois, mais impossible de faire des photos car elles sont protégées par des grillages très en avant, des êtres humains, animaux, toute une fresque d'une trentaine de mètres de long.
Plus loin, au sol, des vestiges de ces fameuses petites coques en bois, dans lesquelles on ficelait les morts pour leur dernier et grand voyage...
Utétékon (c'est du malais aussi, ça veut dire que ça aurait été dommage)de rater ça, quelques photos, aller on rentre !
Les peintures faites avec des latérites, environ 30 000 ans !

Les " bateaux-paniers-cercueils"
 
Retraverser la grotte, rejungle, et reattaquer la grande grotte, dans laquelle il y a bien un kilomètre à faire dans le noir total, et très basse de plafond à cet endroit, et là,
petit miracle !
Dans une salle, très sombre, un rayon de soleil perce le plafond, et, tel un projecteur, balaye le sol de la grotte, totalement irréel ! Quelques photos, je m'assois pour regarder le spectacle, allume une cigarette, et je me dis que finalement, ils doivent être rares ceux qui ont pu voir ça,
En effet, ça ne peut arriver qu'une fois par jour, vraisemblablement pas toute l'année en raison de la hauteur du soleil,il faut bien sûr qu'il n'y ait pas de nuages, et puis, il faut être là au bon moment pour voir ça, qui ne dure que, maximum, trois minutes !!!

sur une vingtaine de photos, j'en ai quelque unes pas trop mauvaises...


Bon, il est temps de rentrer,
au pas de course !!

Quelques bébêtes rencontrées sur le chemin :



Vrac de fin :

comment garder sa bière au frais dans un hôtel minable

Là, on sait que ce n'est pas la peine de rentrer pour commander un demi...

Allez, j'ai envie de bouger, direction le nord, vers le Sabah, j'avais prévu de prendre le bus !, je vais m'en passer, j'ai une petite indigestion de bus,ça sera l'avion, pas si cher, et une heure au lieu de dix, je sens que je m'embourgeoise...

On se retrouve là-bas,

En attendant,

                         ENJOY
                                          &
                                                    B.A.P.



5 commentaires:

  1. Utetekon, j'adore !!!!!
    Ton vocabulaire malais s'enrichit pour notre plus grand plaisir !

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  2. L'article est long alors pareil, je fais "pause" pour commenter le début avant d'être perdue dans tout ce récit.
    - Mouahaha, j'imagine la tête quand t'as dit à la fille "jolie comme un bus" !
    - Je suis effectivement dans un salon, un verre à la main en te lisant :-)
    - J'ai aimé le "road-mauvais" et "l'Islam n'a pas pris le pas sur le malt".
    J'ai beaucoup aimé le récit du calvaire en bus, et moi qui ne connaît pas trop Kerouac, merci pour avoir mis au début les "respirations", j'ai bien eu le ton pour la suite, c'était très bien écrit. Beaucoup de rimes ça et là qui ont rythmé le texte, ce fut un plaisir.

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  3. Superbes ces grottes, et ce rayon de soleil alors ! C'est tout bête à dire mais je suis contente pour toi ; que tu aies vu ça et que tu aies pu être tranquille pour l'apprécier.
    Les bébêtes colorés de la fin sont très belles.
    Et j'ai rigolé en voyant le pochon de bière.
    Comme "Daisy", j'ai aimé le vocabulaire :-)

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  4. Un vrai suspense ce voyage en bus , digne un film d horreur, les odeurs, le bruit, un cauchemar !
    Se voir mourir à chaque virage ! J ai des frissons dans le dos.

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